Avant d’être consacré par le pouvoir législatif et réglementaire, le principe d’interdiction de cumul entre emploi public et emploi privé a été fixé par le juge.
Dès 1926, ce dernier a ainsi affirmé qu’ « il appartenait à l’Administration de veiller à ce que les fonctionnaires s’acquittent correctement et intégralement de leurs fonctions et notamment ne se livrent pas à des opérations commerciales » (CE, 21 juill. 1926, Caroillon), le cumul d’emplois débouchant sur un cumul de rémunérations illégal.
Il est ainsi établi, de longue date, que l’exercice d’un cumul d’activités peut déboucher sur un conflit d’intérêts portant atteinte à l’image de l’Administration et justifiant la révocation de l’agent (CAA Marseille, 22 oct. 2010, n° 08MA00940).
Consacré par décret en 1936, ce principe a été récemment réaffirmé par la loi n°2016-148 du 20 avril 2016 relative à la déontologie des fonctionnaires, qui est venue insérer un article 25 septies à la loi statutaire n°83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires.
Cet article dispose que :
« Les fonctionnaires consacrent l’intégralité de leur activité professionnelle aux tâches qui leur sont confiées. Ils ne peuvent exercer à titre professionnel une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit ».
Le juge administratif garantit le respect de ce principe, qui s’applique non seulement aux fonctionnaires mais également aux agents publics non titulaires recrutés par contrat. Saisi de litiges en ce sens, celui-ci a notamment jugé que :
- La résiliation d’un contrat à durée indéterminée liant un masseur-kinésithérapeute à un établissementpublic hospitalier est parfaitement légale, ce premier n’ayant pas cessé d’exercer cette profession à titre libéral alors que le directeur de l’hôpital le lui avait demandé (CE, 20 mai 1998, n° 168488, Ramen).
- La gestion d’un hôtel est une activité commerciale interdite (CE, 20 janv. 1984, n° 33411, Jean-Baptiste) en raison de la contradiction, relevée par la Cour de cassation, entre la qualité de commerçant et le statut du fonctionnaire ( 3e civ., 19 juin 2002, n° 01-03.226).
- Les fonctions d’administrateur d’une société anonyme d’exploitation d’un établissement hôtelier constituent une activité privée lucrative qu’un conseiller principal d’éducation ne peut pas cumuler avec sa fonction publique (CE, 15 déc. 2000, min. Éduc. nat. c/ G. : JurisData n° 2000-150031).
Le cumul est effectif lorsque, juridiquement, l’agent perçoit des rémunérations liées à des activités distinctes (CE, 12 juin 1998, n° 181959, D. : JurisData n° 1998-050672).
Certaines exceptions au principe de non-cumul des rémunérations ont néanmoins été prévues par le législateur, permettant aux fonctionnaires de faire preuve, dans des conditions déterminées, d’une certaine polyvalence.
L’article 25 septies de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, modifié par loi n°2019-828 du 6 août 2019, réglemente le cumul d’activité selon les hypothèses suivantes.
D’une part, le cumul avec une activité privée lucrative est possible sous réserve de faire l’objet d’une déclaration à l’autorité hiérarchique dont l’intéressé relève pour l’exercice de ses fonctions, en ce qui concerne :
- Le dirigeant d’une société ou d’une association à but lucratif intégrant la fonction publique, qui pourra continuer à exercer son activité privée pendant une durée d’un an (renouvelable une fois) à compter de son recrutement (article 25 septies, II 1°).
- Le cumul d’activités du fonctionnaire occupant un emploi permanent à temps non complet ou incomplet pour lequel la durée du travail est inférieure ou égale à 70 % de la durée légale ou réglementaire du travail (article 25 septies, II 2°).
D’autre part, le fonctionnaire peut demander l’autorisation à l’autorité hiérarchique dont il relève d’accomplir un service à temps partiel pour créer ou reprendre une entreprise et à exercer, à ce titre, une activité privée lucrative (article 25 septies, III).
L’autorisation d’accomplir un service à temps partiel, qui ne peut être inférieur au mi-temps, est accordée, sous réserve des nécessités de la continuité et du fonctionnement du service et compte tenu des possibilités d’aménagement de l’organisation du travail, pour une durée maximale de trois ans, renouvelable pour une durée d’un an, à compter de la création ou de la reprise de cette entreprise.
Lorsque l’autorité hiérarchique a un doute sérieux sur la compatibilité du projet de création ou de reprise d’une entreprise avec les fonctions exercées par le fonctionnaire au cours des trois années précédant sa demande d’autorisation, elle saisit pour avis, préalablement à sa décision, le référent déontologue.
L’activité privée peut également, toujours après autorisation de l’autorité hiérachique, être exercée à titre accessoire. L’activité accessoire doit dans ce cas être compatible avec les fonctions confiées au fonctionaire, et ne pas affecter leur exercice.
Certaines activités accessoires peuvent toutefois être exercées librement, sans avoir à solliciter d’autorisation à cette fin.
Ces activités sont listées par le décret n° 2011-82 du 20 janvier 2011 comme étant :
- Activités d’expertise ou consultation ;
- Activités d’enseignement ou formation ;
- Toute activité à caractère sportif ou culturel, y compris l’encadrement et l’animation ;
- Toute activité agricole ;
- L’activité du conjoint collaborateur ayant un caractère commercial, artisanal et libéral, ce dernier adjectif ayant été ajouté par le décret de janvier 2011 ;
- L’aide à domicile à un proche ;
- Les travaux de faible importance réalisés chez des particuliers ;
- Les services à la personne ;
- La vente de biens fabriqués personnellement par l’agent.
En synthèse, un fonctionnaire ou un contractuel doit en principe consacrer l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées dans le cadre de son emploi public.
Toutefois, le cumul de son emploi avec d’autres activités limitativement énumérées par la loi est possible sur déclaration, autorisation ou librement, selon l’activité concernée.
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