Dans un arrêt en date du 28 décembre 2018, le Conseil d’Etat a considéré que l’usage initial du bien ne doit pas être pris en compte pour définir la destination d’une construction ancienne, édifiée sans permis de construire, et se trouvant dans un état d’abandon (CE 28 décembre 2018, n° 408743)
Certains travaux effectués sur des constructions existantes emportent changement entre les destinations prévues à l’article R. 151-27 du Code de l’urbanisme, à savoir :
- Exploitation agricole et forestière ;
- Habitation ;
- Commerce et activités de service ;
- Equipements d’intérêt collectif et services publics ;
- Autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire.
En raison des incidences qu’ils peuvent avoir sur les règles d’urbanisme, les travaux conduisant à établir un changement de destination de l’immeuble sont soumis à autorisation, qu’il s’agisse :
- D’un permis de construire lorsqu’ils s’accompagnent de travaux ayant pour effet de modifier les structures porteuses ou la façade du bâtiment (article R. 421-14 du Code de l’urbanisme),
- D’une déclaration préalable dans les autres cas (article R. 421-17 du Code de l’urbanisme).
Afin de déterminer si des travaux emportent changement entre les destinations précitées, il convient dans un premier temps de s’interroger sur la destination initiale du bien, avant d’apprécier l’importance et la nature des travaux effectués sur son emprise.
La notion de destination initiale a fait l’objet de jurisprudences fluctuantes.
Ainsi, le Conseil d’Etat considère que la destination initiale du bâtiment s’entend de la destination reconnue par une autorisation d’urbanisme (CE, 12 mars 2012, Commune de Ramatuelle, n°336263).
Lorsque la construction a été édifiée avant la loi du 15 juin 1943 relative au permis de construire, le changement de destination de la construction s’apprécie au regard de sa dernière utilisation connue, à savoir sa destination effective (CAA Lyon, 12 avr. 2018, n° 16LY01751).
Ces jurisprudences n’apportent en revanche aucune précision quant au moyen de déterminer la destination initiale d’un bien édifié avant la loi du 15 juin 1943, et dont l’état d’abandon ne permet pas de connaître la dernière utilisation effective.
C’est ce qu’est venu clarifier le Conseil d’Etat dans l’arrêt commenté.
Saisi de la légalité d’un arrêté par lequel le Maire de la commune de HYERES a refusé de délivrer au pétitionnaire un permis de construire portant sur la réhabilitation, à des fins d’habitation, d’une ancienne bergerie en pierres, le Conseil d’Etat a précisé le mode de détermination d’une construction existante, lorsque celle-ci n’a pas fait l’objet d’une autorisation et que sa destination effective ne peut être connue.
Censurant l’appréciation portée par le Tribunal Administratif de Toulon et la Cour Administrative d’Appel de Marseille, le Conseil d’Etat a ainsi jugé que :
« Si l’usage d’une construction résulte en principe de la destination figurant à son permis de construire, lorsqu’une construction, en raison de son ancienneté, a été édifiée sans permis de construire et que son usage initial a depuis longtemps cessé en raison de son abandon, l’administration, saisie d’une demande d’autorisation de construire, ne peut légalement fonder sa décision sur l’usage initial de la construction ; il lui incombe d’examiner si, compte tenu de l’usage qu’impliquent les travaux pour lesquels une autorisation est demandée, celle-ci peut être légalement accordée sur le fondement des règles d’urbanisme applicables. (…) En jugeant ensuite que cette construction était à usage agricole en se fondant sur la seule circonstance qu’elle avait été initialement utilisée comme bergerie, alors même qu’elle relevait que cet usage avait cessé depuis des décennies, la cour a commis une erreur de droit. »
Ainsi, la réhabilitation d’un bâtiment ancien et abandonné doit être appréhendée en fonction des règles actuellement en vigueur, sans tenir compte de sa destination initiale.