Aux termes de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme :
« Une personne autre que l’Etat, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n’est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l’occupation ou à l’utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l’aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien qu’elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d’une promesse de vente, de bail, ou d’un contrat préliminaire mentionné à l’article L. 261-15 du code de la construction et de l’habitation ».
Il résulte de ces dispositions qu’il appartient à tout requérant qui saisit le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir tendant à l’annulation d’un permis de construire, de démolir ou d’aménager :
- De préciser l’atteinte qu’il invoque pour justifier d’un intérêt lui donnant qualité pour agir,
- De faire état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d’affecter directement les conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance du bien régulièrement détenu ou occupé.
A l’inverse, il appartient au défendeur, s’il entend contester l’intérêt à agir du requérant, d’apporter tous les éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité.
Le juge de l’excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu’il jugerait insuffisamment étayées, sans pour autant exiger de l’auteur du recours qu’il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu’il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci.
Ces obligations génériques se veulent cependant allégées lorsque le requérant se trouve être le voisin immédiat du projet de construction qu’il entend contester.
Le juge administratif considère ainsi avec constance que :
« Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat, justifie, en principe, d’un intérêt à agir lorsqu’il fait état devant le juge, qui statue au vu de l’ensemble des pièces du dossier, d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction » (CE, 13 avr. 2016, n° 389798, B. : JurisData n° 2016-007025).
Cette présomption d’intérêt à agir n’est cependant pas systématique, et dépend en réalité de la nature des travaux envisagés.
Prise au pied de la lettre, cette jurisprudence ne bénéficie en effet au voisin immédiat que lorsque celui-ci entend contester la légalité d’un « projet de construction », ce qui implique d’apprécier l’intérêt à agir plus strictement lorsque le recours porte sur un projet de démolition.
C’est du moins ce qu’a récemment jugé de manière induite le tribunal administratif de NICE qui, dans une ordonnance en date du 4 avril 2023, a considéré que :
« 5. En l’espèce, il ressort tout d’abord des pièces du dossier que le requérant, dont le domicile est situé au 18 boulevard Risso à Nice et qu’il y a lieu de considérer comme voisin immédiat du projet, bénéficiera, au terme de l’exécution du projet, de conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien plus favorables. Il est en effet constant que l’objet de l’arrêté litigieux ne porte que sur la démolition du Palais Acropolis et ne comporte aucune nouvelle construction, et que le projet poursuivi par la ville de Nice consiste à démolir le Palais Acropolis afin de prolonger la « Promenade du Paillon », communément dénommée la « coulée verte », depuis la traverse de la Bourgada jusqu’à l’esplanade du Maréchal de Lattre de Tassigny. L’environnement immédiat du bien du requérant sera donc à terme plus agréable, plus verdoyant, et l’immeuble du requérant bénéficiera d’une vue plus dégagée que celle dont il bénéficiait précédemment. (…) Dans ces conditions, la commune de Nice est fondée à faire valoir que le requérant ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander l’annulation de l’arrêté attaqué. Par suite, dès lors que la requête introduite à cette fin est ainsi irrecevable, les conclusions susmentionnées aux fins de suspension dudit arrêté ne peuvent qu’être rejetées, sans qu’il soit besoin d’examiner si la condition d’urgence est remplie. » (TA NICE, ord., 4 avr. 2023, n° 2301167).
Ainsi, tout en ayant remarqué la qualité de voisin immédiat du requérant, le juge administratif a apprécié son intérêt à agir au vu d’une éventuelle atteinte aux conditions d’occupation, d’utilisation ou de jouissance de son bien, et non au vu d’éléments relatifs à la nature, à l’importance ou à la localisation du projet de construction.
Il s’en déduit que le voisin immédiat redevient, dans ce cas particulier, un tiers ordinaire dont l’intérêt à agir s’analyse au regard des dispositions de l’article L. 600-1-2 du code de l’urbanisme, et qu’il ne dispose en conséquence d’aucune facilité dans les conditions d’accès au juge.