Par principe, le règlement d’un plan local d’urbanisme peut “fixer les conditions de desserte par les voies et réseaux des terrains susceptibles de recevoir des constructions ou de faire l’objet d’aménagements” (article L. 151-39 du code de l’urbanisme) et, plus spécifiquement, définir des règles imposant l’accès et la desserte des constructions dans des conditions de sécurité satisfaisantes, et de nature à permettre l’accès des engins de collecte des déchets (article R. 151-47 du même code).

Ces règles, prescrites lorsqu’ils existent par l’article 3 des règlements de plans locaux d’urbanisme, permettent entre autres d’imposer une largeur minimale de la voie d’accès, de limiter la longueur des impasses, ou encore d’exiger la réalisation d’une aire de retournement.

Leur interprétation doit toutefois se faire avec bon sens, et celui-ci est parfois synonyme de réserve.

Contrairement aux idées reçues, le code de l’urbanisme ne permet en effet pas aux auteurs des plans locaux d’urbanisme d’imposer une largeur minimale pour les voies existantes. 

C’est du moins la solution retenue par le Conseil d’Etat qui, dans un arrêt de principe, a jugé que :

« 3. Considérant qu’aux termes de l’article UF 3 du règlement du plan local d’urbanisme de Thonon-A… -Bains, relatif à la desserte des terrains et aux accès aux voies ouvertes au public, dans sa rédaction applicable au litige :  » … Voirie : Le terrain doit être desservi par une voie publique ou privée ayant des caractéristiques adaptées à l’approche des véhicules de lutte contre l’incendie et d’enlèvement des ordures ménagères. Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies privées, doivent être adaptées aux usages qu’elles supportent ou aux opérations qu’elles doivent desservir, y compris pour les voies nouvelles qui ne pourront en aucun cas être d’une largeur inférieure à 4 m. Les voies se terminant en impasse doivent être aménagées de façon à permettre aux véhicules de faire aisément demi-tour  » ; que ces dispositions sont relatives à l’aménagement des voies nouvelles et n’ont pas pour objet de définir les conditions de constructibilité des terrains situés dans la zone concernée ; que, par suite, elles ne font pas obstacle à la délivrance de permis de construire en vue de l’édification de maisons ou immeubles à usage d’habitation, desservis par des voies construites avant leur adoption ; qu’ainsi, en se fondant, pour annuler A…jugements du tribunal administratif de Grenoble du 11 juillet 2015 et A…arrêtés du maire de Thonon-A… -Bains des 25 janvier et 19 mars 2013, sur la circonstance que A…permis de construire accordés à la SARL Bâti-Chablais ne respectaient pas A…prescriptions des deux derniers alinéas de l’article UF3 du règlement du plan local d’urbanisme alors que ces projets ne comportaient pas d’aménagement de voie nouvelle, la cour administrative d’appel de Lyon a commis une erreur de droit ; que par suite, et sans qu’il soit besoin d’examiner l’autre moyen soulevé par A…pourvois, ses deux arrêts doivent être annulés ; » (Conseil d’État, 2ème chambre, 26 déc. 2018, 414412, Inédit au recueil Lebon).

Dans cet arrêt, était en cause l’application de l’article UF3 du règlement du plan local d’urbanisme de THONON-LES-BAINS, aux termes duquel : « Voirie : Le terrain doit être desservi par une voie publique ou privée ayant des caractéristiques adaptées à l’approche des véhicules de lutte contre l’incendie et l’enlèvement des ordures ménagères. Les dimensions, formes et caractéristiques techniques des voies privées doivent être adaptées aux usages qu’elles supportent ou aux opérations qu’elles doivent desservir, y compris pour les voies nouvelles qui ne pourront en aucun cas être d’une largeur inférieure à 4 mètres. (…) ».

La Cour administrative d’appel de LYON avait annulé les jugements de première instance en se fondant sur la circonstance que l’impasse litigieuse, qui desservait les constructions projetées, présentait une largeur d’un peu moins de 3,5 mètres, ce qui ne permettait pas le croisement de deux véhicules.

La Cour en avait déduit que les deux derniers alinéas de l’article UF3 du règlement du plan local d’urbanisme de la commune avaient été méconnus.

Au soutien de son pourvoi, la société pétitionnaire soutenait notamment que la Cour avait commis une erreur de droit en appliquant les dispositions précitées du règlement du plan local d’urbanisme aux voies existantes, c’est-à-dire construites avant l’adoption du plan local d’urbanisme.

Suivant le sens des conclusions du Rapporteur public, la Haute juridiction a estimé qu’en se fondant sur la circonstance que les permis de construire litigieux ne respectaient pas les prescriptions des deux derniers alinéas de l’article UF3 du règlement du plan local d’urbanisme, alors que ces projets ne comportaient pas d’aménagement de voie nouvelle, la cour administrative d’appel de LYON avait commis une erreur de droit justifiant l’annulation des deux arrêts attaqués.

Une telle solution survient alors même que les dispositions précitées du règlement du plan local d’urbanisme prévoyaient leur application « y compris pour les voies nouvelles », laissant ainsi entendre qu’elles auraient dû s’appliquer également, et même d’abord, aux voies existantes.

La précision donnée par le Conseil d’Etat, selon laquelle ces dispositions « sont relatives à l’aménagement des voies nouvelles », écarte une telle interprétation.

Une décision similaire avait préalablement été rendue par la Cour administrative d’appel de VERSAILLES qui, en particulier, avait jugé que :

« 24. Considérant qu’aux termes de l’article UR 3 du plan local d’urbanisme, relatif aux accès et voirie :  » Les terrains doivent être desservis par des voies publiques ou privées dont les règles sont celles définies à l’article R. 111-5 du code de l’urbanisme, ou par des accès à la circulation automobile obtenus par l’application de l’article 682 du code civil relatif aux servitudes de passage. Sauf dispositions particulières, les voies et accès nouveaux devront respecter a minima les dispositions suivantes : largeur minimale de la chaussée (en mètres) : 2,5 m pour un logement, 3 m jusqu’à 20 logements ou 2000 m² de SHON, 5 m pour plus de 20 logements ou 2000 m² de SHON. Les voies en impasse doivent être aménagées dans leur partie terminale pour que les véhicules fassent aisément demi-tour (retournement en T, en raquette…).  » (…) ;

25. Considérant que M. et Mme A…ne peuvent utilement soutenir que le projet autorisé serait irréalisable sans méconnaître les dispositions de l’article 3 u plan local d’urbanisme, dès lors qu’elles ne concernent que les voies et accès nouveaux ; qu’en tout état de cause, l’insuffisance des voies de desserte et l’impossibilité de l’accès des véhicules de lutte contre l’incendie ne sont pas établies ; qu’ainsi, il ressort des pièces du dossier que la demande de permis de construire indique que le bâtiment A (cinq logements) du projet autorisé et le parc de stationnement seraient accessibles depuis la rue Marx-Dormoy et que le bâtiment B (trois logements) le serait par le chemin des Sablons ; qu’il résulte d’ailleurs du constat de mesures établi le 10 avril 2014 par un agent assermenté de la ville de Massy que ce chemin présente au droit des parcelles I n° 569 et 570 une largeur de 3 à 3,13 mètres en son point le plus large ; (…) ; que, par suite, les moyens tirés de la méconnaissance des dispositions mentionnées au point 24 ne peuvent qu’être écartés» (Cour administrative d’appel, Versailles, 2e chambre, 7 Juin 2018 – n° 16VE00517).

Les décisions venant confirmer cette solution ne manquent pas (notamment Cour administrative d’appel, Nantes, 15 février 2019 – n° 17NT03832 ; Tribunal administratif, Nancy, 19 juillet 2022 – n° 2102745 ; Tribunal administratif, Poitiers, 7 octobre 2022 – n° 2002619 ; Cour administrative d’appel, Marseille, 1 décembre 2022 – n° 21MA00465 ; Tribunal administratif, Nice, 3 février 2021 – n° 1800737).

Il est donc certain que les dispositions intéressant la largeur minimale des voies sont applicables seulement aux voies nouvelles (à réaliser), et non aux conditions de constructibilité des terrains desservis par des voies préexistantes à la demande de permis de construire.

Attention donc à ne pas lire ces dispositions trop vite, et à ne pas se faire avoir !