En matière d’occupation des sols, le délai de recours contentieux est régi par l’article R. 600-2 du code de l’urbanisme, qui dispose que :
« Le délai de recours contentieux à l’encontre d’une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou d’un permis de construire, d’aménager ou de démolir court à l’égard des tiers à compter du premier jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain des pièces mentionnées à l’article R. 424-15 ».
L’application de cette règle, plus complexe qu’il n’y paraît, implique d’être préalablement renseigné sur les modalités d’affichage qui, s’il n’est pas effectué en bonne et due forme, rendra le délai de recours mentionné par les dispositions précitées inopposable.
Autrement dit, la présence d’un panneau sur le lieu d’affichage, pendant une durée ne pouvant être inférieure à deux mois et ne devant connaître aucune interruption, n’est susceptible de faire courir le délai de recours des tiers que si l’affichage a été pratiqué selon un formalisme particulier, défini aussi bien par les dispositions réglementaires que par leur interprétation jurisprudentielle.
En premier lieu, les dispositions de l’article R. 424-15 du code de l’urbanisme prévoient que :
« Mention du permis explicite ou tacite ou de la déclaration préalable doit être affichée sur le terrain, de manière visible de l’extérieur, par les soins de son bénéficiaire, dès la notification de l’arrêté ou dès la date à laquelle le permis tacite ou la décision de non-opposition à la déclaration préalable est acquis et pendant toute la durée du chantier.
(…) Cet affichage mentionne également l’obligation, prévue à peine d’irrecevabilité par l’article R. 600-1, de notifier tout recours administratif ou tout recours contentieux à l’auteur de la décision et au bénéficiaire du permis ou de la décision prise sur la déclaration préalable. »
Il convient dès à présent de préciser que l’exigence réglementaire d’un affichage « sur le terrain » n’impose pas de procéder à l’implantation de panneaux sur chacune des parcelles cadastrales composant le terrain (CE 23 févr. 2004, Sté Juwi énergie éolienne, req. no 262430).
Il n’oblige pas non plus à un affichage à proximité de chacun des accès du terrain d’assiette de la construction projetée (CE 29 avr. 1994, Marin, req. no 105924).
Le texte de l’article R. 424-15 exige que l’affichage soit « visible de l’extérieur », ce qui implique que le panneau doit être visible depuis au moins une voie publique(CE 8 oct. 1993, Desbois, req. no 128099).
Chargées d’apprécier la conformité de l’affichage avec cette dernière exigence, les juridictions administratives ont regardé comme étant régulière l’implantation du panneau :
- Visible d’une voie privée ouverte au public (TA Paris, 2e ch., 6 févr. 1989, Synd. des copr. du 192 bd de Charonne, req. no 8806158-7) ;
- Effectuée sur une parcelle de terrain située à l’intersection de deux voies publiques (CE 23 févr. 2004, Sté Juwi Énergie Éolienne et a. c/ Min. Équipement, req. no 262430) ;
- Lisible depuis le parking d’un magasin qui est un espace ouvert au public, alors même qu’il ne le serait pas de la voie publique (CE 6 juill. 2011, Sté Auch hyper Distribution, req. no 344793).
Pour être conforme, le panneau d’affichage doit en outre porter la mention du délai de recours contentieux, et doit rappeler l’obligation de notification des recours au pétitionnaire et à l’autorité administrative, prévue par l’article R600-1 du code de l’urbanisme.
Le Conseil d’Etat a toutefois rappelé que :
« l’obligation de notification à peine d’irrecevabilité du recours contentieux résultant de l’article R. 600-1 du Code de l’urbanisme n’est pas au nombre des éléments dont la présence est une condition au déclenchement du délai de recours, son omission fait obstacle à ce que soit opposée à l’auteur du recours l’irrecevabilité qu’il prévoit. » (CE, 13 février 2019, n°422283).
En second lieu, l’article R424-16 du code de l’urbanisme prévoit que doivent figurer sur le panneau les mentions relatives au nom, à la raison sociale ou à la dénomination sociale du bénéficiaire, la date, le numéro du permis, la nature du projet, la superficie du terrain, et l’adresse de la mairie où le dossier pourra être consulté.
S’ajoutent à cela la surface de plancher autorisée et la hauteur des constructions, exprimée en mètres par rapport au sol naturel, si le projet prévoit des constructions.
Bien que la liste des mentions exigées sur le panneau d’affichage se soit allongée, la jurisprudence, par souci de pragmatisme, considère que le point de départ du délai de recours commence à courir nonobstant l’irrégularité ou l’absence de certaines mentions, jugées d’une importance moindre.
Dans la pratique, le juge s’assure surtout que la lecture du panneau d’affichage permette aux tiers d’apprécier l’importance et la consistance du projet (CE, 25 février 2019, n°416610).
Sera ainsi sanctionné l’affichage ne comportant qu’une ou deux mentions, à l’exclusion de l’ensemble des autres (CE, 22 avril 1992, n°91436, SA HLM Ville de Laval ; CE, 19 juin 1992, n°129053).
En revanche, le panneau ne sera pas entaché d’irrégularité s’il permet aux tiers d’identifier le permis litigieux (CE, 12 décembre 1994, n°139421 ; CE, 14 novembre 2003, n°254065, Ville de Nice et Schiller), et notamment :
- S’il ne comporte pas la date de délivrance du permis de construire, dès lors qu’est répertorié l’ensemble des mentions exigées (CE, 18 mars 1979, n°03137).
- S’il ne mentionne pas le numéro de permis (CAA Lyon, 18 juin 2015, n°14LY00006) ou encore le nom du bénéficiaire (CE, 14 novembre 2003, n°254003).
En résumé, le panneau d’affichage doit comporter les informations requises par les articles précités du code de l’urbanisme ou, à tout le moins, les informations permettant d’apprécier la nature et l’importance du projet.
Le défaut ou l’irrégularité de l’affichage de l’autorisation d’urbanisme sur le terrain sont sans influence sur la légalité même de l’autorisation.
Toute négligence concernant l’affichage sera néanmoins de nature à permettre au tiers ayant intérêt à agir de contester l’autorisation pendant un laps de temps bien plus élevé, ce qui expose le bénéficiaire de l’autorisation à un risque certain sur le plan de la sécurité juridique.