Selon l’article 16 de la loi du 10 juillet 1965, le syndicat des copropriétaires peut acquérir ou aliéner les parties communes, constituer des droits réels sur celles-ci, à la condition que les actes aient été décidés conformément aux dispositions des articles 6, 25 et 26.
L’article 26 a) pose le principe que les actes de disposition sur les parties communes sont pris à la double majorité des deux tiers des voix.
En vertu des alinéas deux et trois de l’article 26, l’unanimité n’est exigée que dans le cas où l’aliénation porte atteinte à la destination de l’immeuble ou aux modalités de jouissance des parties privatives.
La destination de l’immeuble, bien qu’étant une notion centrale du droit de la copropriété, n’est pas définie par le législateur.
Les différentes facettes qu’elle comprend, à savoir les documents constitutifs de la copropriété, la qualité de l’architecture, le standing du bâtiment, l’environnement de celui-ci, pour ne citer que les principaux, lui confèrent un contour vaste et souple, et imposent une appréciation in concreto.
En toute hypothèse, il n’existe pas de partie commune dont l’aliénation porte par nature atteinte à la destination de l’immeuble.
Tout est fonction des circonstances de fait.
Les travaux parlementaires préparatoires à la loi de 1965 définissent la destination de l’immeuble comme :
« L’ensemble des conditions au vu desquelles un copropriétaire a acheté son lot, compte tenu de divers éléments, notamment de l’ensemble des clauses, des documents contractuels, des caractéristiques physiques et de la situation de l’immeuble, ainsi que de la situation sociale des occupants ».
On distingue par exemple :
– immeuble à destination exclusive d’habitation,
– immeuble à usage principal d’habitation avec possibilité d’usage professionnel,
– immeuble à destination mixte : habitation et commercial, immeuble à usage commercial…
Cette précision étant faite, il convient de savoir si la vente des espaces verts de l’immeuble emporte changement de destination de celui-ci.
Là encore, l’appréciation doit se faire au cas par cas.
Lorsque la copropriété entend aliéner des espaces verts, des parties de cours ou jardins, ou plus généralement des parties de l’immeuble qui concourent à son agrément, son esthétique ou son standing, cette décision est susceptible de porter atteinte à la destination de l’immeuble : ainsi lorsque des espaces verts constituent un élément d’agrément essentiel pour une résidence de vacances (CA Bordeaux, 9 mai 1995 : JurisData n° 1995-044014).
Dans l’arrêt précité, la Cour d’Appel a considéré que ne peut être décidée qu’à l’unanimité des voix l’aliénation de parties communes constituées d’espaces verts dont la conservation est manifestement nécessaire au respect de la destination de l’immeuble, s’agissant d’une résidence de vacances agrémentée essentiellement par ces jardins communs.
Mais la nécessité d’une décision unanime ne constitue pas une règle.
Ainsi pourrait-on admettre par exemple qu’une copropriété puisse aliéner à la majorité de l’article 26, une partie de ses espaces verts
Dans une récente décision, la Cour d’Appel d’Aix-en-Provence a jugé que :
« En second lieu, il est soutenu par Chantal G. que la décision requérait un vote unanime dans les conditions prévues par l’article 26 dernier alinéa en ce que la conservation des parties communes dont l’aliénation est envisagée serait nécessaire au respect de la destination de l’immeuble.
Mais alors que la cession envisagée porte sur environ 70 m² dans le prolongement du lot privatif des consorts C.-R., il n’est aucunement démontré qu’il s’agirait d’un emplacement d’aire de jeux pour enfants, ou que s’il devenait propriété privative il perdrait sa nature d’espace vert au point de modifier la destination de l’immeuble ou d’affecter Chantal G. dans les modalités de jouissance de ses parties privatives.
La résolution votée à la double majorité de l’article 26 ne requérait donc pas l’unanimité, ainsi qu’il en a été décidé en première instance » (Cour d’appel, Aix-en-Provence, 4e chambre A, 17 Septembre 2018 – n° 17/02803).
En résumé, le fait de savoir si l’acquisition envisagée est susceptible de modifier la destination de l’immeuble dépend principalement du fait de savoir si :
– Cette acquisition porte sur la totalité ou, à tout le moins, sur la majeure partie des espaces verts de l’immeuble ;
– Cette acquisition ferait perdre à cette parcelle sa nature d’espaces verts.
Dans l’affirmative, il est tout à fait possible de considérer que l’acquisition envisagée contribuerait à diminuer l’agrément et les conditions de confort dont jouissent les copropriétaires, conditions de leur acquisition (qui impliquait un accès libre aux espaces verts, ce qui participe au cadre de vie de la copropriété et donc contribue à la définition de ses caractéristiques essentielles).
Tout est donc fonction des circonstances de fait.
Mon cabinet reste à votre disposition pour vous aider à faire valoir vos droits et vous assister dans toute démarche juridique.